Jacques Perconte
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  10 décembre 2014  
Brenez, Nicole, Soleils.
Mille sortilèges
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Mille sortilèges
Nicole Brenez, décembre 2014

« Emporté par mon élan, il m’arrive parfois d’aller plus loin et de concevoir, dans mes instants les mieux aiguisés, des tableaux singuliers. Ce sont des œuvres d’une espèce qui ne serait plus guère humaine et dont les sens et la technique correspondraient à ces domaines ensorcelés dans lesquels nous n’avons pu pénétrer jusqu’ici qu’au moyen de notre intelligence mathématicienne. Je rêve à des fresques qui comporteraient des pôles à l’infini, à d’autres dont les lignes seraient des fonctions sans dérivées, à d’autres encore, multivalentes, dont la complexité ne se pourrait débrouiller qu’au moyen de sortes de ‘Surfaces de Riemann’, à mille sortilèges aussi peu sérieux... » Ces œuvres rêvées en 1946 par François Le Lionnais dans « La peinture à Dora », Jacques Perconte semble les réaliser aujourd’hui, sans doute parce que, comme l’illustre ingénieur-mathématicien-historien, il conjugue des savoirs, des cultures et des valeurs sans eux dissociées : la connaissance des sciences exactes, l’amour des arts, le sens de la révolte. Il faut maîtriser ce qui passe pour l’exactitude, en un temps donné, pour trouver précisément par où bouleverser celle-ci et la rendre, vibrante et explosée, aux champs indéfinissables de la beauté, de l’empirie et de l’éveil des sentiments. 

Dans la riche histoire des relations entre art et techniques, Jacques Perconte intervient à un moment vécu par ses contemporains au titre d’un asphyxiant règne sans partage, où les voies d’accès au monde semblent toutes devoir passer par des instruments de connexion, où le devenir d’une civilisation se conçoit exclusivement en termes technologiques, où le quotidien suppose une constante gymnastique d’accomodement à l’empire technophile. Dans ce monde-ci, Jacques Perconte ne cesse d’ouvrir des brèches dans tous les sens : vers le passé, lorsqu’il met l’écriture numérique au service d’idéaux esthétiques enfuis et qui sans son travail, lui sembleraient incompatibles, comme la fugitivité, la densité, l’éclat inouï et irreproductible des phénomènes ; dans le présent, lorsqu’il ramène les emblèmes consuméristes à leur statut de simples accessoires (les iPads devenus châssis) ; en direction des futurs, lorsqu’il élabore un love writing program pour inscrire littéralement « l’amour dans l’image » en des séries actives à l’infini. Comme pour leur temps Appelle et son éponge humide ou Tchang T’ong et son pinceau aux poils usés, pour le nôtre où l’algorithme a remplacé fusain et pellicule, Jacques Perconte est devenu le symbole de l’inventivité et de l’élégance artistiques.

 


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